vendredi 18 février 2011

Ouganda : la gouvernance en question

L’Ouganda est l’un des plus beaux pays du monde et ses richesses agricoles et minérales potentielles sont considérables. Par sa magnificence, par la variété de ses formes et de ses couleurs, par la profusion de sa vie, de sa végétation, de ses oiseaux et de ses animaux sauvages, l’Ouganda est réellement la perle de l’Afrique ». C’est en ces mots que Winston Churchill décrivait l’Ouganda en 1908.

Souvent présenté comme un modèle de développement en Afrique, l'ancienne "perle de l'Afrique" britannique vote dès aujourd'hui pour élire (réélire ?) son président. L'occasion de vous proposer ici une série de billets sur ce pays encore méconnu des francophones.
L’Ouganda, du fait de sa situation privilégiée à l’intersection de la Corne de l’Afrique, des Grands Lacs et de l’Afrique centrale, dans un carrefour où se croisent les liaisons avec les autres régions du continent, est un espace géostratégique important. Le nouveau contexte stratégique qui a émergé après le 11 septembre a souligné les atouts particuliers de cette région qui constitue aussi une base arrière d’observation du Soudan et de la Corne de l’Afrique.

 L’un de facteurs qui pousse à pondérer la réussite du modèle ougandais est sa volatilité politique. Le pays a longtemps été privé de partis politiques et l’opposition était constituée d’individus qui s’exprimaient au Parlement.
Le soutien des bailleurs de fonds n’a pas été qu’économique. Ils ont accepté le système de démocratie « sans parti » de la Constitution de 1995. Museveni considérait les partis comme étant à l’origine de tous les maux qu’a connu ce pays, car conçus par des « politiciens sectaires » qui les ont transformés en vecteurs de leurs intérêts claniques.
IL est vrai que l’Ouganda a longtemps fait les frais d’une « géographie de la guerre » (obsession du territoire). La nature de l’Etat est au cœur des conflits et nous y reviendrons dans un prochain billet.
Face aux irrégularités, les bailleurs de fonds appliquent désormais une politique de conditionnalité plaçant la démilitarisation du régime au centre des discussions préalables. Cependant, le pouvoir a conscience de l’importance de l’Ouganda dans la stratégie des puissances occidentales, notamment des Etats-Unis, et ne fait guère cas de ces pressions, d’autant qu’une rupture de l’aide risquerait de déstabiliser le pays. Le pays apparaît comme un véritable îlot de stabilité dans l’arc de crise qui va de la Somalie au Sahel. Il est donc encore perçu comme le vecteur d’une pax americana dans la région. On peut d’ailleurs interpréter sa participation à l’AMISOM (5200 hommes) ou la formation de soldats somaliens sur son territoire par une mission de l'UE (EUTM Somalia) comme une volonté ougandaise de se rendre indispensable dans la région même si cet interventionnisme participe aussi d’une stratégie interne d’occupation des troupes.

La réputation de bonne gouvernance du gouvernement ougandais est sérieusement remise en cause pour plusieurs raisons  :

•Le niveau de corruption (127ème d’après le classement de Transparency International). Certains relie la corruption au fait que la société et les fonctionnaires ont longtemps dû se passer de l’Etat pour survivre, en créant le magendo qui est l’économie informelle locale. Pour lutter contre cette corruption, l’Etat a créé un corps de contrôle d’Etat, indépendant, dans le cadre de la constitution de 1995, c’est l’Inspector General of Government (IGG) ;

Hausse récurrente des dépenses militaires. L’armée continue à jouer un rôle actif dans les affaires civiles de l’Etat ;

Par ailleurs, le régime politique, longtemps verrouillé par le président Museveni, semble s’ouvrir mais cette ouverture est un trompe l’œil. En effet, le Président Museveni dirige l’Ouganda depuis plus de vingt ans. Un référendum organisé en juillet 2005 à son initiative entérine le multipartisme comme une promesse d’ouverture politique. En fait, le multipartisme avait été troqué par le président contre la possibilité de briguer un nouveau mandat. Lors des dernières élections présidentielles en février 2006, les premières pluripartites depuis l’accession au pouvoir de Museveni, le candidat-président a dû affronter une vraie bataille politique malgré ses manquements à l’esprit du multipartisme. Refusant l’éventualité d’une défaite électorale, Museveni a mis l’appareil d’Etat au service de sa campagne et fait engager un procès contre Kizza Besigye (photo), son rival, pour garantir sa victoire. Il est réélu avec 60 % des voix après une campagne électorale qui désavantage les partis d’opposition. Kizza Besigye, remporte finalement 37% des suffrages. Le Mouvement conserve la majorité des deux-tiers au parlement (202 députés sur 308). Le principal parti d'opposition ougandais, le Forum pour le changement démocratique (Fdc) de M. Besigye a menacé de rejeter les résultats définitifs de ces élections dénonçant de «graves irrégularités», notamment la faible couverture médiatique du processus électoral et l'intimidation des électeurs avant et lors des scrutins. Les pressions des bailleurs de fonds n’ont pas été sans effet sur l’issue du procès Besigye et l’ouverture au multipartisme.
Le président doit désormais composer avec une opposition officielle, qui a des élus locaux et des relais dans la population. Pour ces nouvelles élections, Kizza Besigye s’opposera pour la troisième fois consécutive à Musevini aux côté de 6 autres candidats.

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