vendredi 9 septembre 2011

Piraterie : un impact économique limité ?

Voici quelques extraits de la présentation faite au colloque Guerre et économie organisé par le Club participation et progrès et l'Alliance GéoStratégique le 1er juillet 2011 à l'Ecole militaire. Cette présentation s'intitulait "la piraterie un business porteur ?". Les actes de colloque sont en préparation.



Pour mesurer le coût de la piraterie, doivent être pris en compte :
-le paiement des rançons qui s’élèverait à 240 millions de dollars cumulés depuis 2009 ;
-le surplus occasionné par le détournement d’une minorité de navires vers le cap de Bonne Espérance. Une minorité de navire ont fait ce choix car le passage par le détroit de Bab El Mandeb permet un gain de temps de 14 jours et une économie de carburant entre 800 000 et 2,7 millions de dollars selon le navire. Par ailleurs, il semblerait que seul un navire sur 400 soit détourné mais ce chiffre est soumis à caution puisqu’il ne prend pas en compte les actes de piraterie locaux;
-l’augmentation du prix des marchandises. Après l’attaque contre le Sirius Star le prix du pétrole aurait augmenté de 1,4% ;
-le coût pour les pays voisins : le gouvernement seychellois estime la perte à 12 millions d’euros par an, les prises de thon auraient diminué de 20%, la production de conserverie de 11%, les activités du port de 40%, les revenus du tourisme de 10% et le gouvernement doit allouer 2,3millions d’euros par an (4,3% du PIB) à la lutte contre la piraterie . Les lignes ravitaillant la Tanzanie et le Kenya sont directement touchées, les navires doivent effectuer un détournement de ces lignes qui entraine un surcoût estimé à 5 millions de dollars par an ;
-pour les pêcheurs locaux à qui les pirates ponctionnent des vivres et du carburant. En se prenant au commerce local et régional ils risquent de déstabiliser des économies déjà fragiles ;
-le coût humain : 500- 700 otages actuellement, 4000 personnes ont été maintenues par les pirates ;
-le coût humain pour les Somaliens. Atalante est aussi une mission de protection des navires affrétés par le PAM (Programme alimentaire mondial) et par l’AMISOM.
Une économie de la lutte contre la piraterie s’est développée : les assurances, la construction navale, les sociétés militaires privées et les fabricants d’armes non-létales…

Figure : Coût total de la piraterie (par an)
Rançons                              176 millions $
Primes d'assurance             Entre 460 millions $ et 3,2 milliards $
Routage des navires           2,4 à 3 milliards $
Équipements de sécurité    363 millions $ à 2,5 milliards $
Forces navales                    2 milliards $
Poursuites judiciaires         31 millions $
Opérations dissuasives       19,5 millions $
Coût pour l'économie régionale 1,25 milliards $
dont l'Egypte                      642 millions $
dont le Kenya                     414 millions $
dont les Seychelles             6 millions $
TOTAL                              7 à 12 milliards $ par an

Source : Anna Bowden, The Economic costs of maritime piracy

Bien que la piraterie ait fortement augmentée dans cette zone elle reste peu couteuse par rapport au chiffre d’affaire de l’industrie du transport maritime et le coût de l’opération militaire de lutte contre ce phénomène excède de loin le total des rançons versées aux pirates . Ainsi, d'après K. Menkhaus, « le volume total du contingent suédois constitué de 152 personnes, deux corvettes et un navire de soutien stationné pendant quatre mois en 2009 est supposé avoir couté 285 millions de couronnes suédoises (soit 36.5 millions de dollars) (…) soit l’équivalent de l’ensemble des rançons versées en 2008 entre 20 et 40 millions de dollars US »
Le total du montant des rançons s’élèverait à 240 millions de dollars depuis 2009, mais la lutte contre la piraterie, donc le surcoût par la communauté internationale (avec les navires de défense), serait estimé entre 10 et 16 milliards de dollars. La piraterie représenterait 1/1000 du coût total du transport maritime.
Globalement l’impact économique de la piraterie est donc limité même si elle reste une menace stratégique, humaine et politique intolérable.


Lire :
- Anna Bowden (dir.), « The Economic Cost of Maritime Piracy », décembre 2010, 26p, ICI
- Michèle Battesti, « Entretien avec S. E. M. Claude Morel, ambassadeur de la République des Seychelles en France », Lettre de l’Irsem n°4 -2011, ICI
- Gascon Alain, « La piraterie dans le golfe d'Aden : les puissances désarmées?», in Hérodote, 2009/3 n° 134, p. 107-124.
- « Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées sur la piraterie maritime et présenté par m. Christian Ménard », Assemblée Nationale, n°1670, 13 mai 2009
-K. Menkhaus, « Dangerous Waters », in Survival, vol.51, n°1, 2009, p.23-24
-Jean-Marc Le Quilliec, « Reprendre l’initiative dans la lutte contre la piraterie au large de la Somalie », in Revue Défense Nationale, Tribune n°71 ICI
- Anne Gallais Bouchet, François Guiziou, « Piraterie : Perturbation de l'économie maritime? », Note de Synthèse N°128, ISEMAR, octobre 2010, p.1 ICI

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