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dimanche 12 mai 2013

Parution : Le déclin annoncé de l'ANC (Afrique du Sud)

Alors que l'archevêque et Prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, vient d'annoncer (ICI) qu'il ne voterait plus pour l'ANC, l'auteure de ce blog vous annonce la sortie des Enjeux Diplomatiques et stratégiques 2013 où elle publie un article sur "Le déclin annoncé de l'ANC". 



L'article revient sur la trajectoire récente du parti historique d'Afrique du Sud et tente de mettre en évidence un paradoxe. Le magazine The Economist titrait fin 2011 "Cry the beloved country" et évoquait ce qu'il estimait être le "triste déclin" de l'Afrique du Sud". En 2012, l'ANC fêtait ses 100 ans, un événement rare pour un mouvement politique. Le parti reste aussi la force politique la plus puissante du pays. 

Paradoxalement, l'ANC vit une crise sans précédent dans son histoire. Ralentissement économique  émeutes xénophobes, crise sociale avec la retentissante grève de Marikana, incompétence d'une partie de la classe dirigeante, corruption au sein du parti et clientélisme semblent fermer les perspectives du pays. Pourtant Jacob Zuma, reconduit en décembre 2012 à la tête de l'ANC, est idéalement placé en vue d'une éventuelle réélection lors de l'élection présidentielle de 2014. 

Ainsi une question se pose :  la prédominance de l'ANC n'est pas encore remise en cause mais le parti amorce-il- un déclin ? Est-il toujours aussi puissant ou a-t-il entamé un processus de désintégration comme l'affirme Helen Zille, chef de l'Alliance démocratiques, l'un des principaux partis d'opposition ? La récente sortie de Desmon Tutu, que nous évoquions au début pose une autre question : les personnalités politiques de l'ANC sont-elles aujourd'hui au niveau de celles qui étaient aux affaires en 1994, comme Tutu, Nelson Mandela, Walter, Albertine Sisulu, Olivier Tambo et Joe Slovo ? Ceux d'aujourd'hui ont-ils un projet d'avenir pour l'Afrique du Sud ?

L'article propose quelques hypothèses que pouvez retrouver en commandant la revue  ICI

mardi 29 janvier 2013

Afrique du Sud : le bilan très contesté de Jacob Zuma (2/2)

Suite de nos billets sur le parti dominant de l'Afrique du Sud. 
 
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  L’usure du pouvoir semble aller de pair avec les scandales généralisés dans la classe politique, et Jacob Zuma n’y fait pas exception. Particulièrement décrié ces dernières années, il a été accusé de viol, avant d’être acquitté. Il a également passé de longues années à se défendre d’accusations de corruption et de racket. Sa réélection à la présidence de l’ANC est elle-même très critiquée. Les militants anti-Zuma dressent un bilan très négatif de sa présidence. En effet, il est arrivé au pouvoir en 2009 suscitant de nouveaux espoirs avec un programme ambitieux : promesse d’une meilleure gouvernance, réduction des inégalités sociales et du chômage par une réforme foncière et une redistribution des richesses renouvelée. Or, sur le plan social le bilan est mitigé et les inégalités restent fortes. « Président des pauvres », Jacob Zuma n’a pas su enrayer la sédimentation de la société. En parallèle, la lutte contre le chômage qui était la priorité du mandat de Jacob Zuma s’avère être également un échec. Dans un contexte d'augmentation de la population active un quart des Sud-Africains ne trouvent pas d’emploi. Les jeunes sont particulièrement touchés (50% pour les 20-24 ans) de même que les femmes, et les noirs. Plus inquiétant sur le plan politique, le milieu des affaires critique le manque de leadership économique de Jacob Zuma. Ce dernier tout comme son administration se défendent en invoquant un contexte économique et financier défavorable. Le candidat Zuma prônait des mesures populistes et radicales pour satisfaire à la fois la base de l’électorat de l’ANC et l’aile gauche du parti qui le soutenait contre son prédécesseur. Or, le candidat devenu président Zuma doit désormais composer avec un pays touché à la fois par la crise internationale et par la crise structurelle interne. L’Afrique du Sud possède pourtant de nombreux atouts : des industries de pointe dans certains secteurs d’excellence, des systèmes de télécommunications importants, des infrastructures développées et une terre riche en minerais (or, platine, diamants, etc). Tous ces avantages lui permettent de disposer d’une croissance stable autour de 3% mais ce potentiel est limité entre autres par des problèmes énergétiques qui entraînent coupures et restrictions, en particulier dans les grands centres urbains. Finalement, Jacob Zuma s’est inscrit dans la continuité de Thabo Mbeki alors qu’il avait initialement un discours de rupture basé sur un retour aux « vraies valeurs » de l’ANC. C’est tout le paradoxe de la politique économique de l’ANC : longtemps d’inspiration marxiste-léniniste cette direction a été officiellement abandonnée, notamment sous le mandat de Thabo Mbeki, bien que la question soit fréquemment relancée pour satisfaire la frange la plus à gauche du parti. L’ANC veuttransformer l’économie sud-africaine pour lutter contre le chômage et la pauvreté mais les changements annoncés semblent très mesurés. Le parti reste très prudent et conservateur. Prenons, par exemple, les questions foncières. Les terres appartiennent toujours à 80% aux blancs. L’exécutif de l’ANC reconnaît qu’il faut réformer le principe du vendeur volontaire - acheteur volontaire. Néanmoins, il doit toujours faire face au caractère constitutionnel du droit à la propriété. Cette réforme controversée est, et sera, dans les années à venir, le rocher de Sisyphe de l’ANC. D’autant plus que l’histoire sud-africaine a été marquée par de violentes dépossessions foncières. L’exemple zimbabwéen, cité par Julius Malema, n’est pas non plus pour rassurer les observateurs internationaux. Et les défis pour mettre en œuvre cette réforme sont considérables. Le manque de ressources budgétaires comme la durée des procédures judiciaires d’indemnisation sont aussi à souligner. En effet, la constitution autorise le droit d’expropriation au nom de l’intérêt public en échange d’une compensation susceptible d’être fixée par une cour de justice[i]. L'une des faiblesses actuelle de l’ANC reste donc son bilan gouvernemental et les problèmes internes à l'ANC qui ont tendance à devenir des problèmes étatiques. D’autant que le risque de confusion entre Etat et parti découle d’une particularité de la Constitution sud-africaine, qui fait qu’il n’existe pas de circonscriptions dans le système électoral. Comme l’explique Pierre-Paul Dika, les députés de la majorité sont responsables devant le parti et la Présidence avant de l’être devant leur électorat[ii]. Le pouvoir législatif est très discipliné. Simonneau note : « si ce poids des instances dirigeantes est moins fort dans les autres formations, la discipline est réelle et, de ce fait, le parlementarisme est atténué. »

[i] Ibid., pp. 744.
[ii] Pierre-Paul Dika, Les fondements de la politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud : acteurs, facteurs et instruments, Paris, L’Harmattan, 2008.

samedi 26 janvier 2013

Afrique du Sud : le déclin annoncé de l'ANC (1/2)

"Cry, the beloved country " titrait le magazine The Economist, fin 2011, évoquant ce qu’il estime être le "triste déclin" de l’Afrique du Sud. En 2012, le Congrès national africain (ANC) fêtait ses 100 ans, un évènement remarquable pour un mouvement politique. Le parti historique de l’Afrique du Sud est aussi au pouvoir depuis près de 20 ans et reste la force politique la plus puissante du pays, créant un monopartisme de fait. Paradoxalement, l’ANC vit une crise sans précédent dans son histoire. Pourtant, Jacob Zuma, reconduit en décembre 2012 à la tête du mouvement, est idéalement placé en vue d’une éventuelle réélection lors de l’élection présidentielle de 2014. La prédominance de l’ANC n’est pas encore remise en cause mais le parti amorce-t-il un déclin ? Est-il toujours aussi puissant ou a-t-il entamé un processus de désintégration comme l’affirme Helen Zille, chef de l’Alliance démocratique, l’un des principaux partis d’opposition ?
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UN PARTI DOMINANT MAIS DIVISÉ
 L’ANC est au pouvoir sans discontinuer depuis 1994, recueillant à chaque fois plus de 60% des suffrages aux élections nationales. Néanmoins les élections de 2009 ont été marquées par le premier recul du parti. Du côté de l’opposition, l’Alliance démocratique ne cesse de progresser depuis les dernières élections présidentielles de 2009. Certains pointaient alors une certaine usure du pouvoir. Quatre ans après le diagnostic reste le même bien que l’ANC reste le parti hégémonique d’Afrique du Sud sans réelle concurrence crédible de la part des autres mouvements. En effet, depuis 1994, ces derniers n’ont pas réussi à constituer une véritable force de proposition dans le pays et l’ANC a même su convaincre des élus de l’opposition de les rejoindre. Ainsi, une révision constitutionnelle de 2003 a permis aux parlementaires de changer de parti en cours de mandature et ce sans perdre son siège. Le déclin viendrait-il de l’intérieur du parti ? D’après un cadre de l’ANC, le déclin de la puissance électorale du parti: “is like an ocean wave rolling towards the coast… it will happen but we do not know the distance to the shore. ” La lente dégradation au sein du parti est donc inquiétante et certains observateurs s’interrogent aujourd’hui sur un possible éclatement du parti. Pourtant cette crainte de l’éclatement existait déjà à la fin du gouvernement de Thabo Mbeki avec une première scission menée par ce dernier. Mais le Congress of the People (COPE) a obtenu de mauvais résultats électoraux. Fin 2008, le COPE connaît aux élections un premier échec, mais il a surtout échoué à se construire une identité propre. En apparence, il semblait être un parti politique d’opposition comme les autres. Toutefois son histoire, directement liée à celle de l’ANC, le distinguait des autres partis. Il avait le potentiel pour catalyser un certain déclin de l’ANC. De fait, le COPE n’a pas concrétisé son projet de contestation du parti historique. Au contraire il lui a même donné l’occasion de renouer avec ses racines. Ainsi, l’administration de Jacob Zuma a répondu aux critiques du COPE, tant sur le respect de la primauté du droit que sur la responsabilité du gouvernement. L’ANC est sorti renforcé de l’échec de cette scission et y a vu la providence d’un « message de Dieu ». Notons à ce propos que la rhétorique religieuse trouve un écho important dans ce pays très croyant. Elle est souvent utilisée pour mobiliser l’électorat, ainsi Jacob Zuma professait qu’« en votant pour l’ANC vous choisissez d’aller au paradis». De manière plus générale toutes les scissions sont devenues minoritaires. Le paradoxe de l’ANC est qu’il fait des déçus mais continue de remporter les élections par fidélité.
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La question qui se pose alors est celle de la prise de pouvoir au sein de l’ANC entre des courants idéologiques internes et entre personnalités. Il existe de fortes tensions au centre du parti entre les soutiens de Jacob Zuma et ceux qui l’ont abandonné, comme le vaste mouvement des jeunesses de l’ANC. En effet, la montée en puissance de Julius Malema, le leader populiste de ce mouvement lié au parti revendiquant son autonomie dans les années 1940, est un signal fort.

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De plus, grâce au système du Black Economic Empowerment, des membres importants de l’ANC sont devenus également actionnaires de grandes entreprises. Ce phénomène et l’enrichissement d’une partie de la population noire créent des frustrations que les opposants de Jacob Zuma utilisent. Ainsi, l’opposition interne a su profiter de la tragédie de Marikana pour souligner ces contradictions. Julius Malema appelait à « mener la révolution minière » car le gouvernement, lié au capital, ne soutiendrait pas les mineurs. Pour Julius Malema, la nationalisation des mines est une nécessité alors que Jacob Zuma essaie d’adopter un discours intermédiaire en proposant d’imposer des taxes plus lourdes au secteur. De même sur la réforme foncière Julius Malema porte un discours extrémiste calqué sur le modèle zimbabwéen, alors que pour Jacob Zuma il faut imposer aux propriétaires terriens blancs de vendre leurs biens fonciers à un prix inférieur au marché. L’ex-dirigeant de la Ligue de la jeunesse du parti a été désavoué et exclu du parti en 2011 lors de ses déboires judiciaires pour incitation à la haine raciale . La redistribution des terres et des bénéfices miniers sont des enjeux majeurs pour l’avenir économique du pays, et cette question a eu un écho considérable auprès de l’électorat populaire du parti. De fait, les personnalités populistes ont su se distinguer ces dernières années en se présentant comme une alternative au pouvoir actuel. Ainsi plus que jamais les luttes intestines déchirent le parti. Les syndicats contestent la politique libérale du gouvernement et les groupes sociaux ont des intérêts opposés. Pourtant Jacob Zuma conserve le soutien de l’ANC et a su rallier les syndicats mais la situation est très confuse. En effet, la Cosatu, puissante fédération syndicale du pays, a choisi de soutenir Jacob Zuma pour un second mandat alors que Zwelinzima Vavi, le secrétaire général du Cosatu, très critique à l’égard du régime, a été réélu pour un sixième mandat, et que dans le même temps le président du Cosatu, fervent soutien du chef d'Etat, était aussi réélu. Pourtant, les grèves à répétition dans l’enseignement et dans les services municipaux ont mis en évidence les divergences avec cette centrale syndicale et le parti. Même le Numsa (National Union of Metalworkers of South Africa), pourtant très virulent contre Jacob Zuma, a surpris tout le monde en annonçant lui accorder son soutien. Les commentateurs ont alors fustigé ce revirement et dénoncé d’obscures négociations. Une nouvelle fois, la stratégie de conquête et de conservation du pouvoir de Jacob Zuma a été contestée.
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Aujourd’hui, les cadres de l’ANC ou leurs proches ont des intérêts économiques tels que leur engagement semble davantage motivé par l’argent que par l’idéologie. En parallèle, la corruption rampante expliquerait la disparition de 3 milliards d'euros d'argent public chaque année. Ainsi, la lutte semble polarisée sur l’obtention de postes au sein du parti. Ces hautes fonctions sont synonymes de pouvoir par l’accès aux marchés publics et aux ressources qu'elles impliquent. Cette tendance au copinage est renforcée par les tendances autoritaires du parti qui perdurent. L’Assemblée nationale a ainsi voté en novembre 2011 une loi controversée sur la "Protection des Informations d'Etat". Cette loi, portée par l’ANC, ferme l’espace à la liberté d’expression en rendant passible de sanctions la possession, la publication et la distribution d'informations d’Etat sensibles. Cette loi permet donc au gouvernement d’empêcher la publication d’informations nuisibles à l’Etat. Du fait d’une définition floue à l’extrême les détracteurs y voient un moyen de limiter la diffusion vers l’opinion publique des affaires de corruption dont ils auraient connaissance. En définitive, la crise actuelle était déjà en germe depuis plusieurs années. L’ANC est un parti très hétéroclite qui s’apparente parfois à un forum où les rivalités apparaissent plus fortes que jamais. Or le défi de l’ANC a toujours été de parvenir à rester uni autour d’une ligne politique équilibrée pour préserver le compromis politique qui le fonde. La stabilité du pays se base sur cette gouvernance d’union qui combine au discours populiste, une politique économique néolibérale et une redistribution aux accents sociaux-démocrates.

mercredi 9 février 2011

Afrique du Sud : le défi de l'emploi

Début janvier l'OCDE a publié un rapport sur le taux de chômage qui toucherait en Afrique du Sud 24,5% de la population. Une augmentation par rapport au dernier chiffres de 2007 : 22,3%. Mais surtout il touche majoritairement la population noire (28,6% contre 4% chez les Blancs). L'Afrique du Sud aura besoin d'un taux de croissance supérieur à 5 % au cours des prochaines années pour infléchir ce chômage .
Le Center for Development and Enterprise de Johannesburg indiquait qu’en 2005, 65% des jeunes entre 15 et 25 ans étaient au chômage. On imagine que ces données ne sont guère meilleures aujourd'hui (Graphique : taux  de chômage des jeunes 2008).

Pourtant Jacob Zuma avait promis de créer 500 000 emplois avant la fin 2009, en pleine crise économique et financière mondiale. Il vient encore de promettre :
-l'implantation d'usine à grande échelle censée créer 350 000 emplois dans les 10 années à venir
- l'économie verte promet d'en créer 300 000
- le développement des infrastructures : 250 000
- 10% de postes en plus dans la fonction publique
- 140 000 dans les mines
- 260 000 dans l'économie sociale
Les perspectives sociales inquiétantes (crime, exode des Blancs, chômage, réforme foncière au point mort…) sont très présentes au sein des classes moyennes blanches et noires. Certains observateurs soulignent même le passage d’une société de races à une société de classes. Mais l’utilisation de la rhétorique raciale est toujours utilisée en réponse aux critiques par l'ANC. De même que la référence à Mandela. Dans son premier spot de campagne, l’ANC avait ainsi fait de Mandela l’un des visages de sa campagne, et son apparition lors d’un rassemblement électoral de l’ANC dans l’Eastern Cape montre que le parti utilise plus son héritage historique que son bilan politique.

Le bilan de l’ANC : 14 millions de personnes de plus ont désormais un toit, et 80% sont raccordées au réseau électrique. En 1994, 51% de la population était considérée comme pauvre, contre 41% en 2007 (chiffres officiels). En 2008, 12 millions de personnes ont bénéficié d’aides de l’Etat, passant le programme d’aide de 6,4 milliards d’euros (72,3 milliards de rands) en 2005-2006 à une estimation de plus de 10 milliards d’euros (118,1 milliards de rands) pour 2009-2010.
Pourtant, en 2008, 43% des Sud-africains vivaient avec moins de deux dollars par jour (chiffres de l’ONU). Le creuset entre riches et pauvres ne cesse d’augmenter, malgré une croissance stable depuis 1994. Cette croissance continue n’a pas permis au parti de se remettre en question. Or, l’impôt, payé à 90% par la minorité blanche, et l’insécurité poussent les jeunes diplômés blancs à l’exil. L’Afrique du Sud enregistre l’un des taux de meurtres les plus élevés au monde. « Si l’apartheid criminalisait toute forme de manifestation politique, la lutte pour la libération politisait les actes criminels » .
Le candidat Zuma prônait des mesures populistes et radicales pour satisfaire la base de l’électorat de l’ANC, et l’aile gauche du parti qui le soutenait contre son prédécesseur. Le président Zuma doit composer avec un pays touché par la crise internationale et une crise structurelle interne.

Sources : SLG/ Afrique Asie