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vendredi 23 mai 2014

La construction de l’Etat, un enjeu clé des études stratégiques sur l’Afrique

L’auteur de ce blog a eu le privilège de participer le 21 mai au séminaire Etudes stratégiques organisé par la DAS et l’IREM. Nous avons présenté trois thématiques qui animent les débats des africanistes en études stratégiques ces dernières années :


1/ D’une part, la régionalisation des conflits. Les travaux sur ce point s’interrogent sur les facteurs explicatifs de la persistance de la conflictualité dans certaines sous-régions  comme dans la région des Grands lacs, dans la région du fleuve Mano, en Afrique de l’Ouest ou, dans une moindre mesure, dans la Corne de l’Afrique.
2/ Les recherches portent aussi sur les modes de résolution des conflits en Afrique et étudient la construction de l’Architecture de Paix et de Sécurité portée par l’Union africaine et s’appuyant sur les communautés économiques régionales. L’échelon régional/supra étatique serait donc perçu comme « l’espace pertinent pour l’action » (Marie-Claude Smouts).
3/Les travaux s’intéressent aussi aux interventions dans les Etats dits faibles.
La question qui découle de ce constat est : de quoi est-ce le symptôme ? Ces trois axes d’études ont pour enjeu l’Etat et plus particulièrement sa construction au sens d’un  effort conscient de créer un appareil de contrôle. Mais c’est également un processus historique largement inconscient et contradictoire fait de conflits, de négociations et de compromis entre les divers groupes composant une société donnée. 

1/ La régionalisation des conflits.

L’analyse régionale des conflits a émergé dans les études de sécurité après la guerre froide. Qu’est-ce qu’un conflit régionalisé ? Des « situations où les pays voisins connaissent des conflits internes ou interétatiques, et avec des liens significatifs entre les conflits ». 

 Ce modèle introduit l’idée que des interactions frontalières seraient des catalyseurs de la propagation des conflits. Des outils conceptuels ont été développés pour analyser ce phénomène : notamment les complexes conflictuels régionaux et les systèmes de conflits. La notion de régionalisation des conflits illustre l'imbrication des aspects extérieurs et intérieurs de la sécurité. Ces conflits perdureraient parce qu’alimentés par des réseaux régionaux. Ils sont au nombre de quatre : « militaire, politiques (par des liens transfrontaliers entre les élites politiques), économiques (par le commerce transfrontalier de marchandises) et sociaux (d’un côté comme de l’autre des frontières nationales, des groupes partagent une même identité) [1]». Le principal facteur explicatif de l’existence d’une régionalisation des conflits serait la faiblesse des États qui le constituent. Le processus de régionalisation des conflits armés serait facilité par des facteurs structurels liés à l’État : ses déficiences, son incapacité à contrôler certaines zones de son territoire qui deviennent des zones grises ainsi qu’un terreau favorable au développement des trafics, et des difficultés à intégrer des populations transfrontalières, entre autres. Les possibilités d’interactions sont plus faciles lorsqu’un État ne contrôle pas son territoire et ses frontières. Les problématiques des États faibles débordent alors souvent de leurs espaces d'origine pour prendre une dimension sécuritaire régionale.

Pourtant, nous adhérons à l’hypothèse de Jean François Bayart, pour qui la régionalisation des conflits peut être interprétée comme l’un des processus de formation de l’État plutôt que comme l’expression de son déclin. Au sens où les groupes en conflit dans la Corne par exemple ne lutte pas contre l’Etat mais pour prendre le contrôle de l’Etat. 

2/ Le régionalisme sécuritaire
Le régionalisme sécuritaire devient une réponse à la régionalisation conflictuelle. Pour rappel, à la suite de la décennie 90 où le continent a été touché par de nombreux conflits, un nouveau principe a émergé « Try Africa first » : « les solutions africaines avant tout ». Aujourd’hui, la nécessité de solutions endogènes aux crises et conflits africains est collectivement assumée. De fait, le rôle dévolu à la régulation par la région est essentiel et devient une pièce maîtresse du système. En effet, l’architecture de sécurité continentale prend appui sur les sous-régions afin de gérer la conflictualité. Cette africanisation de la gestion des conflits reflète aussi l’idée d’un monde post-bipolaire, structuré autour de blocs régionaux qui s’autoréguleraient. 

On observe à la fois dans l’évolution des organisations régionales et dans l’acte de naissance de l’Union africaine, le passage d’une logique visant à protéger les régimes en place à une logique de consolidation de la souveraineté des Etats. L’architecture de l’Union Africaine a essentiellement pour objet de régler les problèmes internes aux États. Et l’ONU a également favorisé ce régionalisme en donnant la possibilité aux organismes régionaux d’assurer le maintien de la paix encadré par le chapitre VIII de la Charte des Nations unies. Donc les organisations africaines se repositionnent dans la gestion des conflits même si cette redéfinition ne tient pas pleinement compte de l’évolution de la nature des menaces, qui touchent aujourd’hui le continent, notamment du terrorisme, comme on a pu le voir dans le cas du Mali en 2012-2013. La problématique malienne a montré les limites du régionalisme. Or la cohérence et la viabilité des Etats est une condition essentielle pour le succès du régionalisme. Les Etats faibles sont plus susceptibles d’avoir des gouvernements non-démocratiques qui seraient particulièrement jaloux de leur souveraineté. De plus, une partie de la souveraineté de ces Etats leur échappe à travers d’autres dynamiques transfrontalières. Et c'est là tout le « paradoxe africain »[2]. Les progrès de l’intégration institutionnelle sont très faibles. En revanche, la régionalisation progresse suivant des logiques différentes et plus rapides. Il faut donc rappeler le rôle majeur joué par l’État comme acteur sécuritaire, comme le rappelle D. Bach « le développement de l’intégration régionale en Afrique passe par la capacité et la volonté des acteurs étatiques à mettre en œuvre des politiques d’intégration internes, seules capables de transformer en logiques vertueuses les effets destructurants de l’intégration régionale par le bas. Il convient de reconstruire l’État avant d’en chercher le dépassement ». 

3/ Les Etats faibles et les interventions extérieures

Les interventions françaises au Mali et en RCA posent aussi cette question de la construction ou de la reconstruction de l’Etat après une intervention. Aujourd’hui, l’idée généralement admises et qui fait consensus est que l’instauration de la paix passe par la construction ou la reconstruction de l’Etat. Il y aurait un lien direct entre peacebuidling et state-building - au sens de renforcement des institutions politiques, administratives et gouvernementales. C’est vrai que depuis le 11 septembre 2001 en particulier, le continent dans son ensemble est décrit de façon globale, comme faible, fragile et exploitable par les terroristes qui pourraient le conquérir. Les discours font des États défaillants des refuges pour les mouvements terroristes. Notez que certains chercheurs ont d’ailleurs démontré qu’il n’y avait pas nécessairement de corrélation entre la place d’un État dans l’index des États faillis  et le nombre d’organisations terroristes hébergées sur son territoire. Par exemple, l’Inde et Israël ont un indice faible dans l’index des États faillis mais hébergent un grand nombre de groupes terroristes. En revanche, en Somalie, pourtant en tête des Etats dits faillis, seuls les Shebabs affiliés à Al-Qaïda figurent en tant que groupe terroriste en Somalie et ils ne représentaient qu’une minorité, avant 2006 et leur essor. Donc si les États faillis peuvent constituer un terreau favorable pour voir émerger (ou servir de base à) des groupes terroristes, il s’avère qu’empiriquement cette hypothèse ne se vérifie pas. C’était juste une petite remarque.


Bref, l’utilisation du terme Etat failli révèle un renversement de perspectives : la guerre ne naitrait plus de la puissance des Etats mais de leur faiblesse. La priorité pour instaurer la paix est de construire ou reconstruire l’Etat. Le state-building est ainsi la principale réponse à la défaillance de l’État. Ce terme désigne l’idée de « la nécessité de reconstituer, sous une forme ou une autre, des unités politiques au sein desquelles, suite notamment à une guerre civile, la structure, l’autorité, la loi et l’ordre politiques se sont précarisés » (Smouts, Battistella, Petiteville, Vennesson). La construction de l’État est un phénomène historique long, donc la stratégie choisie par la communauté internationale est de parvenir à un modèle d’État wébérien comme en Europe, dans un temps plus restreint, et en évitant la longue étape de conflictualité qui accompagne généralement le processus de développement étatique. Or, que ce soit en Irak, en Afghanistan ou en Somalie, il existe peu d’exemple ou le state-building a fonctionné. Si nous ne remettons pas en question les justifications de certaines interventions (Mali, RCA, etc) ou missions de « maintien de la paix », justifiés par un certain degré de violence ou la responsabilité de protéger, la question de l’opportunité d’intervenir dans certains conflits se pose. D’une part parce que, l’efficience  même de cette stratégie d’intervention pour reconstruire l’Etat est questionnée. Par exemple, pour la chercheuse Marina Ottaway: « la communauté internationale a élaboré une liste de prescriptions pour la reconstruction d’État qui est tellement exhaustive qu’elle est impossible à appliquer sur le terrain ». D’autre part, des chercheurs comme Herbst vont plus loin et se demandent si les organisations internationales en voulant reconstruire des États effondrés, dans les conditions qui existaient auparavant, ne font pas que prolonger un état d’effondrement au lieu d’accepter l’existence du nouvel ordre politique créé. Ainsi, l’ONU refuse de considérer que certains États puissent être trop dysfonctionnels à la base, pour être reconstruits. Ce n’est que très récemment que les chercheurs ont cherché à comprendre l'ordre politique des États dits faillis, sans insister sur l’absence d’État mais en tenant compte de ce qui existe réellement.
Il faut donc accepter de déconstruire l’image de l’Etat.  Il ne faut pas s’interdire de penser l’Etat différemment et laisser place à l’innovation et à d’autres formes d’organisation de la société. En Somalie, par exemple, pendant plus de vingt ans la communauté internationale s’est entêtée à vouloir reconstruire un Etat somalien qui avait disparu au début des années 1990 sans s’interroger sur les raisons qui avaient présidé à sa disparition. Si l’on reconnait que la société somalienne, comme l’afghane et la yéménite sont des sociétés segmentaires, où il n’existe pas de structure formelles d’autorité mais que le pouvoir politique est à chaque niveau segmentaire, alors l’Etat, en tant que société politique organisée autour d’un centre de pouvoir, ne semble pas pouvoir émerger là-bas. Mais c’est une erreur aussi de dire qu’il n y a pas de gouvernance possible, et des solutions hybride existent comme au Somaliland (le droit coutumier complète le système juridique, l’ordre politique s’est adapté au système social, etc). Bref en Somalie, l’Etat ne se désintègre pas nécessairement il est en formation sous une autre forme mais c’est aux Somaliens de repenser leur manière de vivre ensemble.
Enfin, nous pensons pertinent de rappeler avec les travaux d’Antonio Giustozzi, que la violence fait partie du processus de formation de l’Etat et nécessite la victoire par la force d’un groupe social sur ses concurrents. Très peu d’Etats ont échappé à ce processus. Cette thèse renvoie à de nombreux travaux de sociologie historique de l’Etat, dont les plus célèbres sont ceux de Charles Tilly pour qui l’Etat fait la guerre et la guerre fait l’Etat. Or, le présupposé courant parmi les décideurs politiques internationaux est qu’un Etat fonctionnel doit émerger d’un compromis politique entre les factions en conflit et donc passe par le partage du pouvoir (comme ce fut le cas au Kenya par exemple). On ne peut malheureusement pas oublier ce facteur "violence" dans la constitution d’un Etat au risque de conduire les interventions à des échecs. 
Pour conclure, le processus de construction et de formation de l’Etat est en cours et est une problématique qui revient dans les travaux sur la régionalisation des conflits, sur le régionalisme sécuritaire ou encore sur le state-building. Il existe deux approches : la première appréhende les crises actuelles comme la conséquence de l’échec de la formation de l’État, et la seconde approche pense ces crises comme faisant partie du processus de formation de l’État comme cela a été le cas pour les pays européens, c’est cette dernière approche que je retiens mais en la nuançant. L’Etat, en tant qu’organisation politique de la société comme on la connaît en Europe, n’est pas une destinée implacable  et d’autres formes peuvent émerger.    

[1] Barnett RUBIN, Andrea ARMSTRONG, and Gloria R. NTEGEYE (eds.), Regional Conflict Formation in the Great Lakes Region of Africa: Structure, Dynamics and Challenges for Policy, New York, Center on International Cooperation, 2001.
[2] James HENTZ, Fredrick SÖDERBAUM et Rodrigo TAVARES, « Regional Organizations and African Security: moving the Debate Forward », in African Security, pp. 206-217.


mardi 21 janvier 2014

Présentation thèse de doctorat

L'animatrice de ce blog a récemment soutenu sa thèse de doctorat en science politique (ouf quel soulagement !). Permettez-moi de diffuser ici le résumé de cette thèse. Plus d'informations : goodmorningafrika@gmail.com

Titre :
Régionalisme, régionalisation des conflits et construction de l'État : l'équation sécuritaire de la Corne de l’Afrique

Résumé :

En dépit de sa complexité analytique, la situation sécuritaire de la Corne de l’Afrique peut être soumise aux outils de la Science politique afin de mieux comprendre les interactions entre les différents acteurs. Cette recherche s’efforce d’analyser les ressorts d’une équation sécuritaire qui peut paraître insoluble : le régionalisme est-il aujourd’hui un prérequis à l’émergence d’une paix régionale ? Pour répondre à cette question il est nécessaire de comprendre quels rôles jouent les processus sécuritaires régionaux (régionalisation et régionalisme) dans la construction des États de la Corne de l’Afrique. Cette étude s’efforce d’étudier les interactions entre le régionalisme, fondement de l’architecture de paix et de sécurité continentale, la régionalisation des conflits, qui semble à l’œuvre dans cette région, et les processus de construction/formation de l’État. Les rapports entre les trois termes de l’équation dépendent du contexte et des interactions entre les différentes entités composant la région (États, acteurs non étatiques qui se dressent contre eux ou négocient avec eux et acteurs extérieurs). Deux types de dynamiques sont mises en évidence au terme de cette étude : l’une endogène, l’autre exogène. Dans la première, nous constatons que les conflits participent à la formation de l’État. Ils sont en grande partie des conflits internes et montrent qu’il existe une crise dans l’État. Ces États dominent le processus de régionalisme qui tente de réguler la conflictualité régionale avec un succès relatif puisque les organisations régionales cherchent à renforcer ou reconstruire l’État selon les critères idéalisés de l’État wébérien vu comme source de stabilité. Le processus exogène se caractérise par le rôle des conflits régionaux dont l’existence sert de justificatif au développement et au renforcement du régionalisme, perçu comme la réponse la plus appropriée à ces problèmes de conflictualités. Cette conflictualité a pour source l’État car celui-ci est perçu comme faible. Le régionalisme permettrait de renforcer les États et diminuerait leurs velléités de faire la guerre.

vendredi 3 janvier 2014

Réflexion sur l’interventionnisme et la reconstruction de l’Etat en RCA et ailleurs

L’année 2013 a marqué le retour de l’interventionnisme français, dans le cadre d’opérations militaires en Afrique (Mali, RCA). L’objectif affiché est de participer à la reconstruction d’Etat dit « failli », terme discuté et discutable que nous n’aborderons pas ici, ou de créer les conditions le permettant.



Le state-building est ainsi la principale réponse à la défaillance de l’État. Ce terme désigne l’idée de « la nécessité de reconstituer, sous une forme ou une autre, des unités politiques au sein desquelles, suite notamment à une guerre civile, la structure, l’autorité, la loi et l’ordre politiques se sont précarisés » (1). Cette stratégie concerne le développement de mécanismes internationaux de régulation censés restaurer la souveraineté d’États en faillite ou en déliquescence.

La construction de l’État est un phénomène historique long (on lira Charles Tilly), la stratégie choisie par la communauté internationale est donc de parvenir à un modèle d’État wébérien dans un temps plus restreint, et en évitant la longue étape de conflictualité qui accompagne généralement le processus de développement (2). Cette stratégie a été relancée au début des années 1990 par l’ONU lorsque l’organisation instaura l’Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC). Elle se donne alors pour objectif de reconstruire un État, voire même une nation. L’accent est mis sur la reconstruction d’un ordre politique démocratique, à l’intérieur des frontières de l’État, respectueux des droits et des libertés fondamentales de ses citoyens.
Les critiques autour de cette notion de state-building ne manquent pas et nous vous proposons d’en noter quelques-unes ici qui pourront alimenter votre réflexion. Ainsi, D. Chandler y voit un retour de la mission civilisatrice de l’Occident (3), une position revendiquée également par F. Fukuyama, doctrinaire du state-building, comme nouvelle forme de gouvernance (4). Mais pour D. Chandler, le state-building a participé plus à la destruction des capacités étatiques institutionnelles qu’à leur reconstruction. Pire, le state-building aurait créé une culture de la dépendance, plutôt que des institutions locales autonomes. L’efficience de cette stratégie est questionnée aussi par M. Ottaway qui relève : « la communauté internationale a élaboré une liste de prescriptions pour la reconstruction d’État qui est tellement exhaustive qu’elle est impossible à appliquer sur le terrain » (5).
L’autre problème posé par cette approche est qu’elle disqualifie des acteurs qui ne correspondent pas à la vision normative de l’État, ou même de la politique. Ils sont alors écartés du processus de construction ou de reconstruction de l’État, ce qui remet en cause la régulation de la conflictualité. Le rôle même que pourrait jouer une organisation internationale est discuté. En effet, E. Luttwak 
a montré qu’un
 conflit mineur doit 
se poursuivre sans une intervention extérieure, qui y mettrait un terme prématurément. Au contraire, une intervention extérieure tend à prolonger le conflit (6). Une analyse partagée par J. Herbst, pour qui les organisations internationales s’entêtent à vouloir reconstruire des États effondrés, dans les conditions qui existaient auparavant, de telle sorte qu’elles ne font que prolonger un état d’effondrement au lieu d’accepter l’existence du nouvel ordre politique ainsi créé (7). En allant plus loin, on peut considérer que ces organisations participent au processus de destruction de l’État (8). Ainsi, l’ONU
 refuse
de considérer que
 certains États puissent 
être trop
 dysfonctionnels 
à
 la base, 
pour être 
reconstruits (9). Ce n’est que très récemment que les chercheurs ont cherché à comprendre l'ordre politique des États dits faillis, sans insister sur l’absence d’État mais en tenant compte de ce qui existe réellement (10).

Dès lors, une question se pose : est-ce que ce sont les États qui sont en échec ou bien l’État, en tant que mode d’organisation des sociétés ? Cette réflexion nous permet de penser, avec E. Terray, que : « ce qui est en crise, c’est peut être avant tout l’arsenal des concepts et des systèmes à travers lesquels nous essayons de saisir cette réalité mouvante et protéiforme qu’est l’État contemporain en Afrique » (11).

Bibliographie :
1- Dario BATTISTELLA, Franck PETITEVILLE, Marie-Claude SMOUTS, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2012, 572p, ici p.527.
2- M. OTTAWAY, « Rebuilding states institutions in collapsed states », in Developement and Change, vol.33, n°5, p.1001-1023, ici p.1004.
3-David CHANDLER, Empire in Denial: The Politics of State-Building, Londres, Pluto Press, 2006.
4-Francis FUKUYAMA, State-Building: Governance and World Order in the 21st Century, Ithaca, Cornell University Press, 2004.
5-Marina OTTAWAY, «Rebuilding State Institutions in Collapsed States», in J. MILLIKEN (ed.), State Failure, Collapse and Reconstruction, Blackwell, Oxford, 2003, p. 252.
6-Edward N. LUTTWAK, “Give war a chance”, in Foreign Affairs, vol.78, n°4, juillet-août, 1999, p. 36.
7-Jeffrey HERBST, “Let Them Fail: State Failure in Theory and Practice”, in Robert ROTBERG (dir.), When States Fail: Causes and Consequences, Princeton, Princeton University Press, 2004, p. 312-316.
8-Francis FUKUYAMA, State-Building; Governance and World Order in the 21 st Century, New York, Cornell University Press, 2004, p. 39-42.
9-Marina OTTAWAY, “Rebuilding State Institutions in Collapsed States”, in Development and Change, vol.33, n°5, novembre 2002, p. 1001.
10-K.P. CLEMENTS, V. BOEGE, A.BROWN, W. FOLEY, et A. NOLAN, “State building reconsidered: The role of hybridity in the fom1ation of political order”, in Political Science, vol. 59, n° 1, 2007, p.45-56.
11-Emmanuel TERRAY, “Introduction”, in E. TERRAY, L’État contemporain en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1986, p.19.

mercredi 4 juillet 2012

Les défis politiques et stratégiques en Somalie




L'IRSEM vient de sortir son 13ème cahier consacré aux actes du colloque organisé en mai 2011 sur la Somalie. 


Vous pouvez télécharger gratuitement les actes ICI

Résumé de l'éditeur : 
Organisé à Paris les 5 et 6 avril 2011 par l’IRSEM en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA), le séminaire sur les défis politiques et stratégiques du conflit en Somalie a porté plus spécifiquement sur la manière dont les acteurs locaux, nationaux et internationaux appréhendent les défis politiques et stratégiques du conflit somalien. Ce Cahier de l’IRSEM a pour ambition de poursuivre cette collaboration et d’enrichir la réflexion sur les défis que pose la Somalie.
 Trois thématiques ressortent des différents échanges :les perceptions du syndrome somalien depuis 2001, la Somalie comme laboratoire de la conflictualité régionale, et les enseignements sur la construction de l’Etat. 

Sommaire

Clans,  état  et  société  en  Somalie :  montée  et  chute  des  mouvements  islamistes
Quel état construire en Somalie ?
Les  enseignements  à  tirer  du  Somaliland  et  du  Puntland  en  matière  d’édification de la paix et de formation d’État 
La force en attente de l’Afrique de l’est : un emploi en somalie ?
La piraterie comme innovation : une esquisse géographique de la piraterie somalie
L’enracinement  de la   crise     somalienne,     entre     contagion     et  instrumentalisation regionale
« Avancer des réponses stratégiques contre Al-Shabaab »
Le temps de la diaspora somalienne : chronique de la construction du tissu  associatif somali aux Pays-Bas
Haanta  Salka  Ayeey  Ka  Unkantaa  -  Un  pot  à  lait  se  construit  en  commençant par le fond

Avec les contributions de
 Dr  Alexandra  Magnolia  Dias,  Chercheur  au  centre  d’étude  africain  ISCTE
 Dr  Markus  V.  Hoehne,  Institut  Max  Planck  d’anthropologie  sociale,  Halle/Saale
 Cyril   Robinet,   Chargé   de   mission   à   la   Délégation   aux   affaires  stratégiques, Ministère de la défense français
Colonel  Yves  Metayer,  Adjoint  au  chef  du  bureau  Afrique  à  l’Etat- major des armées, Ministère de la défense français
François Guiziou, Doctorant à l’Université de Nantes
Sonia  Le  Gouriellec,  Doctorante  en  Science  Politique  à  l'Université Paris Descartes
 Géraldine  Pinauldt,  Doctorante  à  l’Institut  Français  de  Géopolitique,  Université de Paris 8
 Dr   Benjamin   P.   Nickels,   Professeur   Assistant,   Centre   d'études  stratégiques de l'Afrique
Marc  Fontrier,  Secrétaire  général  de  l’ARESAE  (Association  pour  la  recherche et les études scientifiques en Afrique de l’Est)

dimanche 1 mai 2011

Pour une nouvelle approche de l'Etat en Afrique : le cas de la Somalie

Ci-dessous l'introduction de l'article parut dans la dernière édition de la revue Défense nationale.


« Etat failli », « balkanisation », « chaos », « désintégration », « territoire non gouverné »…les qualificatifs ne manquent pas pour tenter de décrire la situation somalienne. Et il est vrai, depuis 1991 et la chute de Siyaad Barre, l’Etat somalien n’existe plus. Bien sûr le Gouvernement Fédéral de Transition (GFT) assure la représentation du pouvoir central mais il ne contrôle qu’une faible partie de l’espace somalien et même de la capitale Mogadiscio. Sa légitimité auprès de la population est presque nulle. De fait, toute tentative de mise en place d’un pouvoir central depuis vingt ans a échoué. Les choses sont claires il n’y a pas d’Etat sans souveraineté interne, pas d’Etat s’il n’est plus capable d’imposer ses décisions. Néanmoins peut-on qualifier l’Etat en fonction de ses « performances » ? La Somalie fonctionne même si le GFT n’est pas « performant ». Le risque est de vouloir reconstruire un Etat parce qu’on le décrit comme « failli » ce que Gérard Prunier explique :
« Les idées des « réunificateurs » étaient simples, pour ne pas dire simplistes : il y a eu un Etat somalien, il a disparu, il faut le reconstituer. La question des raisons qui avaient présidé sa disparition n’était pas posée [et c’est] la cause principale de l’échec de l’ONU entre décembre 1992 et mars 1995 ». Si l’Etat n’existe pas au sens wébérien du terme, tel qu’on le connait en Europe, la Somalie n’est pas si chaotique qu’on nous la présente. ....

Retrouver la suite de l'article dans la revue Défense Nationale : ICI