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dimanche 1 avril 2012

Café stratégique : Jeux d'influences en Somalie

Quinzième numéro (déjà) des cafés stratégiques...
Pour l’occasion nous poserons notre regard sur une région méconnue : la Corne de l’Afrique. Roland Marchal, chargée d’études au CNRS/CERI Sciences Po viendra évoquer les jeux d’influences observables en Somalie.


La situation en Somalie se trouve radicalement modifiée depuis quelques mois : les Shebab ont quitté Mogadiscio en août, les Kenyans et les Ethiopiens ont lancé des opérations miliaires au sud et à l’Ouest du pays, la mission de l’Union Africaine (AMISOM) doit être révisée et de nouveaux financements sont nécessaires, etc.
Mais un autre enjeu doit être relevé, celui de la coordination des différents acteurs présents sur place.

Illustration : Représentation somalienne des jeux d'influences en Somalie (Amin Art)

En effet, la Somalie est un carrefour d’influences. Roland Marchal a montré que c’est l’intervention éthiopienne de 2006 et le soutien américain dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, qui ont créé un appel pour des éléments étrangers et le développement du radicalisme. Certes cette tendance existait auparavant mais uniquement au sein d’une frange minoritaire.

Depuis d’autres acteurs étatiques imposent leur agenda dans le processus en cours. D’ailleurs, la conférence de Londres en février 2012 avait pour objectif de coordonner tous ces acteurs. Le 12 avril, nous demanderons à Roland Marchal de nous éclairer sur le rôle joué actuellement par : la Turquie qui fut la première à réouvrir son ambassade à Mogadiscio en 2011, mais aussi le Qatar, l’Iran, l’Arabie Saoudite, etc. Quelle est la politique de ces acteurs en Somalie ? Pensent-ils vraiment que processus en cours en Somalie est guidé par l'UA et l'IGAD et donc suivent les agendas des Occidentaux et des Ethiopiens ? Se montrent-ils plus efficaces que les Occidentaux justement (Etats-Unis et Européens) ? Quelle coordination possible avec ces derniers ?

Pour répondre à ces questions et débattre avec Roland Marchal rendez-vous le jeudi 12 avril 2012 de 19h à 21h (entrée libre), Café Le Concorde, métro Assemblée nationale, 239, boulevard Saint-Germain 75007 Paris

Bibliographie :

- Markus Virgil Hoehne, “Counter-terrorism in Somalia, or : how external interferences helped to produce militant Islamism”, 17 décembre 2009, (en ligne) consulté le 15 juin 2011
- Roland Marchal, “Islamic political dynamics in the Somali civil war”, in Alex de Waal (ed.), Islamism and Its Enemies in the Horn of Africa, Indiana University Press, 2004
- Roland Marchal, « Somalie : un nouveau front antiterroriste ? », in Les Etudes du CERI, n°135, juin 2007, 28p.
-David H. Shinn, “Al-Qaeda in East Africa and the Horn”, in The Journal of Conflict Studies, Eté 2007, 29p.

Revue de presse :
- Turkey challenges Iran in Somalia ICI
- Only Turkey is showing solidarity with Somalia's people ICI
- Turkey takes giant leap toward Africa, prioritizes Somalia on agenda ICI
- Turkey's Increasing Role in Somalia: An Emerging Donor? ICI
- HH Shaikh Nasser reiterates Bahrain's support to the brotherly Somali people ICI
- La Somalie à la veille d'un tournant majeur ? ICI

vendredi 24 février 2012

La Somalie à la veille d'un tournant majeur ? (1/3)

Depuis le dernier trimestre 2011 et l’intervention de leur ex-colonie kenyane en octobre 2011, les Britanniques ont pris le problème somalien en main.
Hier ils organisaient une conférence internationale sur la Somalie dont l'objectif affiché était de coordonner les différentes initiatives internationales et préparer une nouvelle approche pour le future de la Somalie.


Étaient présents près d’une cinquantaine de gouvernements et d'organisations. Les pays de la région bien sûr, les Occidentaux, les pays du Golfe et la Turquie, très active actuellement en Somalie. D'ailleurs certains sceptiques voient dans l'organisation de cette conférence à Londres un désir de doubler la conférence turque qui se tiendra en juin mais plus axée sur les enjeux humanitaires .

Pourquoi cette conférence ?  Parce que la situation sur le terrain a radicalement changé. Les Shebab ont quitté Mogadiscio en août, les Kenyans et les Ethiopiens ont lancé des opérations miliaires au sud et à l’Ouest du pays. Il faut aujourd'hui intégrer les troupes Kényanes à la mission de l’Union africaine. Une porte de sortie honorable pour les Kenyans qui s'embourbent au Sud de la Somalie ? Il s'agit donc de transformer totalement et renforcer la mission de l'Union Africaine en Somalie (AMISOM), de trouver de nouveaux financements, etc. En outre, le Kenya, l'Ouganda, les Émirats Arabes Unis, le Qatar et la Turquie intègrent le Groupe de Contact sur la Somalie. Il s'agit aussi de se coordonner avec ces acteurs qui pensent que le processus en cours en Somalie est guidé par l'UA et l'IGAD et donc suivent les agendas des Occidentaux et des Ethiopiens...

Disons le tout de suite, la Somalie n'a plus d’Etat depuis 20ans, le Sud de la Somalie est en guerre, le Parlement a subit une grave crise politique en décembre et janvier, etc … Bref toutes ces problématiques n'ont pas trouvé une solution d’un coup de baguette magique, en 6 heures, hier à Londres. D’ailleurs le Premier ministre britannique l’a rappelé : « nous avons une liste d’intentions et maintenant il faut que ces promesses se transforment en actions »

Quels sont les principaux enseignements de cette conférence mais surtout de la résolution (2036) votée la veille à l’unanimité par le Conseil de Sécurité des Nations Unies  : 

D’abord un renforcement de l’AMISOM et une aide supplémentaire apportée à la Somalie pour construire ses propres forces (ce que contribue déjà à faire l’UE en Ouganda)

1) Renforcement en hommes : L’Union africaine demande depuis longtemps un mandat plus offensif. En octobre 2010, l’UA appelait déjà à un renforcement des troupes : 20 000 hommes pour la composante militaire, 1 680 éléments de police, un blocus naval ainsi qu’une zone d’interdiction aérienne au-dessus de la Somalie... Pourtant en janvier 2010, une résolution de l’ONU lui refuse et autorise uniquement l’envoi de 4000 troupes supplémentaires, ce qui augmente la capacité de la mission à 12 000 troupes à l’époque. Cette fois l’ONU entérine l’augmentation de l’effectif qui sera porté de 12.000 hommes à 17.331. Néanmoins se sont surtout les troupes Kényanes qui passent sous casques blancs de l'UA. Et tous le défi est là !

Si la mission sort de Mogadiscio et qu’elle incorpore ces Kényans…Il faut changer le concept stratégique de la mission ce qui a été fait début janvier. Or, l’AMISOM à beau être une mission multinationale elle est essentiellement composée de troupes ougandaises et sous commandement ougandais. Et les Kenyans ne souhaitent pas passer sous leur commandement . L’état-major doit passer au niveau stratégique et être internationalisé.

Ce qui nous mène au deuxième point : le renforcement en moyens. Les objectifs de départ ont évolués (l’AMISOM va sortir de Mogadiscio) mais les moyens sont inadaptés. La résolution de mercredi a donc attribué des hélicoptères (3 hélicoptères d’attaque et 9 de transport) et des moyens maritimes à l'AMISOM.
Si la mission sort de Mogadiscio il faut aussi se répartir le terrain cela serait fait en plusieurs secteurs, confiés à un ou deux pays contributeurs (Ouganda, Burundi, Kenya, Djibouti). Voir carte ICI

Une force de sécurité devrait être créée, afin de fournir une protection, du personnel de la communauté internationale puisque plusieurs pays comme le Royaume Uni et l'UE envisagent d’ouvrir des ambassades dans la foulée de la Turquie. La résolution "encourage" également la création d’une force de police à Mogadiscio.

Le mandat de la mission évolue aussi sur un autre point qui est très important. Jusqu’à récemment du coup une particularité du mandat de l’AMISOM est qu’il ne prévoyait pas de protection pour les civils et finalement les actions humanitaires restaient minimes même si elles avaient le mérite d’exister. Le résultat est que la simple surveillance, l'enregistrement, etc des violations aux droits de l'homme n’étaient pas assurés par la mission. L’AMISOM sera donc dotée d’une structure spéciale, la Civilian Casualty Tracking, Analysis and Response Cell (CCTARC acronyme un peu long) qui sera chargé de relever les pertes éventuelles causées par l’Amisom. On en est pas encore à la protection des civile : puisque le communiqué de la conférence de Londres hier "encourage" l'AMISOM à assurer la protection des civils.


Le financement : c’était aussi l’un des points majeurs sur lequel la conférence de Londres devait porter. La mission de l'UA est originale parce qu’en matière de financement elle est tributaire des donateurs et le financement imprévisible. L'extension du mandat de la force accroit également le coût de la mission qui passerait de 310 millions de $ à 510$ ... L’UE finance largement la mission et en période de crise elle se verrait bien un peu plus relayer par les pays du Golfe par exemple. La résolution de l’ONU appel de nouveaux contributeurs et annonce que certains frais de la force seront pris en charge.

-Deuxième point sur lequel la conférence a insisté c’est la question politique. De toute évidence les gains militaires doivent être consolidés politiquement. Les contributeurs ont été particulièrenent clair sur la question politique et avertit le GFT : la période de transition prendra fin le 20 août 2012 sans extension possible. En effet, les mandats du Parlement, tout comme celui du GFT, qui devaient expirer en août 2010, ont été prolongés, début 2011, de trois ans, sans débat aussi bien avec les partenaires du gouvernement qu’avec l’ONU. Un processus est en cours. Des conférences en décembre 2011 et février 2012, appelées conférences de Garowe I et II, ont entérinées un processus avec la mise en place d’une assemblée constituante. Un draft de la Constitution devrait être proposé en avril. Mais beaucoup de questions restent en suspens : quel type de système politique sera adoptée (le système actuel es défaillant), la place de la religion, la délimitation des frontières de chaque région. Les politiciens somaliens arriveront-ils à tenir la feuille de route ? Hier quatre présidents somaliens étaient présents à la conférence... Le président du Somaliland venu prôner son indépendance, le président du Puntland qui se verrait bien futur président du pays, celui du Galmudug, et le président somalien Sharif Cheikh Ahmed ainsi qu'une milice créée lorsque les Shebab ont tenté d'interdire les pratiques soufistes dans le pays : Ahlu Sunnah Wal Jama's (elle combat auprès des forces gouvernementales et éthiopiennes). Les négociations s'annoncent houleuses. La menace n'est pas uniquement celle émanant des Shebab. Pour voir émerger une administration locale et administrer certaines régions un processus de réconciliation interclanique devra débuter. En effet, entre le modèle fédéral envisagé et la réalité sur le terrain il y a une marge...




La lutte contre le terrorisme : Un embargo sur le charbon exporté, directement ou indirectement, de Somalie devra être mis en place dans les 4mois. C’est une des ressources principales des Shabab.



La lutte contre la piraterie: Le communiqué final de la conférence a rappelé que le symptôme visible en mer trouve sa solution à terre. Des prisons commencent à être construites au Somaliland et au Puntland pour transférer les pirates qui ont été jugés aux Seychelles par exemple. Plus d'informations ICI


Pour aller plus loin :

ICG: Somalia, An Opportunity that should not be missed ICI 
Le communiqué final de la conférence et les discours des principaux participants : ICI