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lundi 28 juillet 2014

Enrichissements Hebdos africains

Le nouvel site "u235", auquel ce blog est associé, publie chaque semaine ses Enrichissements Hebdos. Nous reportons ici la partie "africaine" :



1) Dans Africa in Transition, John Campbell observe que, contrairement à d’autres groupes comme l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), Boko Haram n’est pas encore parvenu à se territorialiser mais cela pourrait changer depuis qu’ils ont pris la ville de Damboa. 

2/ Louisa Waugh s’est rendue à plusieurs mois d'intervalle dans le quartier de “cinq kilo” à Bangui. Elle rapporte l’apaisement de la situation centrafricaine notamment dans les quartiers musulmans. La présence permanente des troupes françaises, africaines et européennes, ainsi que les actions de cohésion menées par les ONG locales et internationales permettrait aux centrafricains de réapprendre à vivre ensemble : “These local initiatives are another reason Cinq Kilo is now opening for business, and why security has improved in many parts of Bangui. This small capital is still plagued by tensions and crime, especially at night outside the city centre; but dialogue between communities has started”. Et Louisa Waugh de conclure plus loin : “ "The appalling violence of these last twelve months has never been about Christians versus Muslims; it stemmed from fear between neighbours and communities familiar with living together, but easily manipulated by Seleka, anti-Balaka, and other armed rebels who appropriated their vicious brands of identity based politics for their own ends. The Central African civil society challenge is about communities holding the government to account. A local human rights advocate said these words to me just last week; ‘Some people here are not ready to give their pardon, because they still hear nothing about justice.’ » Dès lors la question au coeur de la reconstruction de l’Etat et du pacte social se pose,comment une société traumatisée par les violences exercées par des groupes quicohabitaient ensemble par le passé peut-elle leur réapprendre à vivre ensemble?

3/ The Duck of Minerva s’entretient avec Séverine Autesserre sur les échecs des interventions de consolidation de la paix à la suite de la publication de son dernier ouvrage Peaceland. Par une méthode ethnographique, sa thèse met en lumière le rôle quotidien des “peacebuilders” : “international interveners’ everyday practices, habits, and narratives undermine their own peacebuilding efforts. One of the many ways these everyday elements preclude successful peacebuilding is by separating expatriates from the populations they are trying to help (...) everyday practices create firm boundaries between international peacebuilders and the populations whose cooperation they need to implement their projects. Social habits – with whom you have after-work drinks, parties, and dinners – can either reinforce these boundaries or break them.”.

4/ Sur Al Jazeera America, Daniel Salomon analyse la vague d’attaques terroristes qui touchent actuellement le sud de la Corne de l’Afrique jusqu’en Tanzanie. Marque-t-elle la résurgence du groupe somalien Al Shabaab ou serait-elle liée à la corruption et à l’absence de réponse des Etats de la région aux difficultés sociaux-économiques locales ? : “It is difficult to untangle the chain of political discontent that precedes recent violence across the region. Local grievances, such as land tenure disputes, often accompany the decay of political and economic institutions. For example, Kenya’s Lamu County, one of the sites of recent attacks, has been the locus of large protests against alleged land grabbing by Kenyan port developers. These issues alone may not prompt new violence by local groups. But if mass abuses continue unmitigated, East African governments could soon find unexpected pockets of their society a fertile recruiting ground for Al-Shabab’s terror network. As violence spirals out of control across the region, governments will likely adopt an increasingly heavy-handed strategy against Al-Shabab and its alleged affiliates. However, selective targeting of minority civilians, as witnessed in Kenya, will not root out the threat. In fact, it will likely make matters worse. Regional leaders must acknowledge the role of local grievances in engendering violent response, and seek more robust opportunities for redress. Land ownership issues, in particular, have proved a powerful trigger for violence, particularly in Kenya and Ethiopia. As the multinational campaign against Al-Shabab falters, the resolution of these local grievances may prove to be a more fruitful path to peace”.

5/ Dans Reinventing Peace, Alex de Waal revient sur le travail du Carnegie Working Group on Corruption and Security publié le mois dernier Corruption: TheUnrecognized Threat to International Security. Ce document démontre que la corruption serait liée à la fragilité des Etats et que les contestations et les insurrections trouvent leurs origines dans l’opposition à la kleptomanie des régimes. Le groupe de Carnegie révèle aussi les différentes étapes de son projet :” an early stage of a project that is beginning to reveal just how deeply the problem of corruption is embedded within international insecurity—and in turn how the remedies must be sought in global systems, not just at the national level”. Pour Alex de Waal s’est un nouvel agenda de recherche qui doit s’ouvrir. Dans son billet il propose d’élargir les cas de conflits liées à la corruption déterminées par le groupe d’études de Carnegie à de nouvelles catégories et sous-catégories qu’il décrit.

6/ Dans son article East Africa rising, Robert D. Kaplan dresse un tableau très optimiste de l’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique et conclue : “One thing is clear: Economic change is so ever-present and vibrant throughout East Africa that the region's geographical orientation itself may be changing. Rather than be part of a once-lost and anarchic continent, the area from Mozambique north to Ethiopia may be in the process of becoming a critical nodal point of the dynamic Indian Ocean world”.

mardi 15 janvier 2013

Somalie : l’otage français est-il encore vivant ? (MAJ)


Alors que les Shebab ont exposé hier, dans une mise en scène macabre, le corps du commando français mort lors du raid visant à sauver l’otage Denis Allex, le sort de ce dernier reste un mystère. Plusieurs hypothèses se dégagent :



- l'otage est mort lors du raid. L’hypothèse aujourd’hui la plus crédible. Certains témoignages affirment qu'il aurait été exécuté dans une pièce au moment où les membres du raid seraient entrés dans la maison. Alors pourquoi les Shebab ne montrent –ils pas son corps ?
1) Ils n’ont tout simplement pas son corps qui serait resté dans la maison détruite par la suite.
2) Ils orchestrent un faux procès et une fausse exécution, avant de montrer son corps, et prouver à François Hollande que sans le raid les négociations étaient encore possibles. Ils souhaitent ainsi montrer qu'ils restent maîtres de l'agenda politique. D’ailleurs, sur leur fil Tweeter, les Shebab écrivent :
« François Hollande, was it worth it?” avec la photo du commando tué, et “All avenues for negotiations were open, but France chose treachery over negotiations. It failed, & it failed miserably. Well, C'est la vie!”. Pourtant, les négociations étaient particulièrement complexes et même bloquées depuis plusieurs semaines.


Autre hypothèse :

-l’otage est vivant. C’est en tout cas la version du mouvement jihadiste. Il le détiendrait et l'aurait jugé. Denis Allex risquerait alors d’être exécuté dans les jours à venir. Une vidéo ou des images seraient alors rapidement diffusés.

Le sort de Denis Allex semble en tout cas scellé. Difficile aujourd’hui d’en savoir plus. Peu d’informations remontent de Somalie et l’histoire de l’otage français reste un mystère, noyée dans un flot de désinformation et de propagande. 

Ce mercredi, les Shebab ont publié leur version de la capture, les négociations et leur jugement de Denis Allex qui aurait été exécuté : ICI

lundi 31 décembre 2012

Somalie : sur le chemin de la stabilisation


Suite de nos billets rétrospectifs, l'année 2012 dans la Corne de l'Afrique, aujourd'hui la Somalie. 


  La situation sur le terrain se trouve radicalement modifiée depuis le mois d’août 2011 et politiquement la période de transition a pris fin en 2012. Elle doit être accompagnée de la fin des violences. En effet, l’élection d’Hassan Sheikh Mohamud ouvre une nouvelle ère. Le nouveau gouvernement devra réussir à faire fonctionner une administration dans un pays en proie à la guerre civile depuis plus de vingt ans. Les campagnes pour les élections parlementaires et présidentielles ont révélé l’ampleur de la corruption qui règne dans le pays. En effet, l’année a été marquée par les retards successifs pour organiser des élections transparentes, malgré la signature d’une feuille de route en juin et les efforts faits pour mettre en place une Constitution. 
De nombreuses questions, essentielles pour la construction de l’Etat, restent en suspens, comme la forme fédérale de l’Etat et la place de l’islam politique. Par ailleurs, les influences extérieures jouent de ces difficultés pour s’imposer dans le pays. La conférence de Londres, en février 2012 avait justement pour objectif de coordonner tous les acteurs du conflit (sauf les Shabaab). Ainsi, la Ligue arabe, l’Organisation de la conférence islamique et les pays musulmans s’inquiètent de voir le processus de paix dirigé par l’UA et  l’IGAD qui seraient dominés par les agendas éthiopiens et occidentaux, alors que les Émirats Arabes Unis, le Qatar et la Turquie viennent d’intégrer le Groupe de Contact sur la Somalie à l’occasion de cette conférence. Si Mogadiscio a retrouvé une stabilité relative, une partie du Sud du pays est encore en proie à des combats entre les troupes gouvernementales, et leurs alliés, et les islamistes somaliens affiliés à Al-Qaïda

lundi 16 avril 2012

Exécution du "Shebab américain" ?

Omar Hammami alias Abu Mansour al-Amriki (l'Américain) aurait été exécuté, début avril (le 4?), dans la région du Lower Shabelle au Sud du pays. Cet américain de 27 ans était l'une des célèbres figures publiques du groupes somalien Al-Shabab, affilié à Al-Qaida.



D'après un rapport de l'AMISOM de 2010 il était en charge du financement des combattants étrangers. Il avait rejoint le mouvement combattant depuis une dizaine d'années (1999?). En octobre 2007 il apparaissait comme combattant et instructeur dans un reportage d'Al-Jazeera TV.

Pour promouvoir le recrutement de jeunes musulmans de l'Ouest à participer au Djihad, il poste en 2010 cette vidéo d'une embuscade contre des soldats somaliens et éthiopiens :





Le 16 mars il poste cette vidéo. Il y annonce craindre pour sa vie du fait de divergences stratégiques et idéologiques entre les leaders du mouvement :



To whomever it may reach from the Muslims, from Abu Mansour al-Amriki, I record this message today because I feel that my life may be endangered by Harakat Shabaab al-Mujahideen due to some differences that occurred between us regarding matters of the Shariah (Muslim law) and matters of the strategy" dit-il en anglais, ce que le mouvement démentira par la suite via son compte twitter:

- "HSM is surprised by the video of Abu Mansoor #AlAmriki that surfaced on the internet recently claiming that his life is ‘endangered by HSM’ (17 mars 2012)
- "A formal investigation is just underway and HSM is still attempting to verify the authenticity as well as the motivations behind the video" (17 mars 2012)
- "We assure our Muslim brothers that #AlAmriki is not endangered by the Mujahideen &our brother still enjoys all the privileges of brotherhood" (17 mars 2012)

Il aurait pourtant été arrêter quelques jours après avoir posté sa vidéo sur You tube : ICI
mais là encore les Shebab démentent via leur compte twitter :
- "All reports of #AlAmriki's arrest are false and intended purely for propaganda purposes. Beware of such inaccurate reports" (19 mars 2012)

Cette mort (si elle est confirmée) aura t-elle des conséquences sur le recrutement de nouveaux combattants de l'Ouest ?

lundi 12 mars 2012

La Corne de l'Afrique : Vers un nouvel ordre régional ? (conférence)

A l'occasion de la sortie du numéro 18 de la revue Sécurité Globale (ICI et ICI pour commander le numéro), consacrée à la Corne de l'Afrique, l'ANAJ-IHEDN, en partenariat avec l'Institut Choiseul, organisera le 5 avril (19H30-21h) une conférence à l'Ecole militaire.



Autour du numéro de Sécurité Globale (n°18) coordonné par Sonia LE GOURIELLEC seront présents:

Alain GASCON
Géographe, professeur émérite à l’Institut français de géopolitique de Paris VIII

Hanna OUAKNINE
Auteur de "Londres-Mogadiscio, Al-Shebab et la jeunesse somalienne" (Ed. Harmattan)

Jean-Nicolas BACH,
Docteur en Science politique, Centre de recherche "Les Afriques dans le Monde" IEP Bordeaux - CNRS

Léonard VINCENT
Journaliste
Auteur de l'ouvrage "Les Erythréens" (Ed. Rivages)



Inscription obligatoire : (entrée gratuite) ICI

Contact : afrique@anaj-ihedn.org

Lieu : Amphithéâtre Desvallières - Ecole Militaire
Entrée par le 1 place Joffre – Paris VII
Pas de parking / Métro : École militaire - Ligne 8

jeudi 1 mars 2012

Les Shebab appellent les Somaliens à la résistance (2/3)

Après la conférence de Londres du 23 février la réaction des Shebab ne s'est pas faite attendre.

Le jour même, les Shabab ont beaucoup réagit sur Twitter.Le groupe a investi ce réseau social récemment sous le nom de HSLPress : Harakat Al-Shabaab Al Mujahideen Press Office (précédent billet ICI). Il est vrai qu’ils ne sont pas mauvais en communication, voire meilleurs que le gouvernement fédéral de transition somalien.  Jeudi dernier, ils ont tenté de réveiller la fibre nationaliste et parfois xénophobe des somaliens.

Dans les grandes lignes : aux appels au dialogue ils ont répondu qu'il en était hors de question en cette période d’ "invasion et d’occupation". A plusieurs reprises ils ont évoqué une "croisade des chrétiens". Mais aussi qu’ils n’allaient pas revenir sur leurs objectifs de mettre en place un régime basé sur la sharia, que l’approche coordonnée proposé par le Premier ministre britannique et les tentatives visant à "morceler la nation somalienne" ne réussiraient pas, les "interventions étrangères" veulent uniquement faire plier les "musulmans somaliens". Ils appellent aussi les musulmans somaliens à refuser toute constitution "dictée par les forces étrangères".

Lire aussi : "What does Somali think of the London Conference " ICI

vendredi 10 février 2012

Al Qaida répond à l'allégeance des Shabab (MAJ)

Hier les journaux ont relayé l'information : Al Shabab a rejoint Al Qaida.

"Je vais annoncer une bonne nouvelle à notre nation islamique qui va (...) embêter les croisés. C'est que le mouvement shebab en Somalie a rejoint Al-Qaida" annonce Zawahiri. (Vidéo ICI)

A y regarder de plus près l'information n'est pas tout à fait exacte. Les Shabab avaient prêté allégeance depuis 2009 au mouvement terroriste. La vidéo a pour titre “At your service, Osama” (20 septembre 2009). A consulter ICI
Cette allégeance fut confirmée en 2011 (après la mort de Ben Laden) à Al-Zawahiri.C'est ce dernier qui vient de reconnaitre le ralliement du groupe somalien à la nébuleuse. Les liens entre les deux mouvements sont plus anciens :

- 11 septembre 2006, Ayman Al-Zawahiri demande aux musulmans somaliens de frapper les représentants des Etats-Unis en Somalie et d’éliminer la présence « des Croisés Sionistes » dans le pays.
- 5 janvier 2007, Zawahiri publie une déclaration vidéo « Aidez vos frères en Somalie! ».
- Le site des Shebaab , poste ensuite une vidéo montrant Ben Laden parler du djihad comme un accomplissement pour tous les musulmans et leur donnant l’autorisation pour intégrer l’entrainement en Somalie aux côtés des Shebaab.
- mars 2009, Ben Laden publie un message audio en soutien à Al-Shabaab intitulé « Fight on, O Champions of Somalia »



- En réponse Al-Shabaab, diffuse le 20 septembre 2009, une vidéo « Labaik Ya Usama » en hommage à la lutte menée par Al-Qaïda contre l’Occident.



- En février 2009 publication de « From Kabul to Mogadishu; Al-Shabaab, a step on the path of the victory of Islam ». Al-Zawahiri y présente la Somalie comme un nouveau terrain potentiel pour le recrutement et l’entraînement.

Rappelons qu'«Al-Shabaab» signifie « jeune » et le groupe l’est puisqu'il est né dans les années 2000 et qu'il est composé essentiellement de très jeunes personnes. L’objectif du mouvement Al-Shabaab est l’instauration d’un Emirat islamique sur le territoire somalien, le « retour au Califat islamique", disparu avec la chute de l’Empire Ottoman en 1920.

Lire :  Experts ponder Al Qaeda, Shabaab union implications

vendredi 27 janvier 2012

L’ONU en Somalie : le refus de l’engagement ? (publication)

Le ROP vient de publier sur son site Internet un dossier portant sur le projet de mission de paix onusienne en Somalie que l'auteur de ce blog a rédigé. Ce dossier s’intitule « L’ONU en Somalie : le refus de l’engagement ? ». Après un bref historique des interventions internationales en Somalie au cours des dernières années, nous présentons l’AMISOM en insistant sur son caractère transitoire et sur la fragilité de la situation politique et sécuritaire en Somalie, avant d’expliquer les circonstances ayant empêché à ce jour le déploiement d’une mission de l’ONU.


La chute de l’Etat somalien en 1991 ouvre une ère de guerre civile et de vaines tentatives de restauration de la paix. Ainsi, après le départ de Siyad Barre, le pillage de l'aide alimentaire s’organise au profit des milices armées. L’ONU crée une première mission (ONUSOM I), mais se retire du sud le 10 septembre 1991 et la guerre entraine la famine. À la demande de l’ONU, les Etats-Unis décident le 9 décembre 1992 d’une intervention (UNITAF). Ils quittent le pays quelques mois plus tard, avant le retrait total des forces d’intervention de l’ONU. L’échec de cette action est complet. Avec une deuxième mission, l’ONUSOM II (26 mars 1993 - 2 mars 1995), deux logiques s’affrontent : celle de l’Organisation des Nations unies qui souhaite rétablir un gouvernement et aider à la reconstruction du pays et celle des seigneurs de guerre qui défendent leurs propres intérêts et s’opposent ainsi à toute action extérieure qui pourrait favoriser le clan ou la milice opposée (1). L’ONU concentre rapidement ses efforts sur le processus de paix afin de mettre un terme aux violences des milices armées. L’accord d’Addis Abeba en 1993, représente ainsi le premier d’une série d'efforts visant à instaurer la paix entre les différentes parties, à amorcer un processus de réconciliation et à reconstructuire l’Etat. Toutefois, ces efforts pour pacifier le pays sont restés vains. En février 2007, l’Union africaine (UA) devant le manque de volonté d’intervention des acteurs internationaux décide de la création d’une mission en Somalie (African Union Mission in Somalia, AMISOM). Le Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, autorise également l’UA à établir une «mission de protection et de formation en Somalie» par la résolution 1744, adoptée le 20 février 2007 (9). L'AMISOM est ainsi créée dans l’idée que la mission n’excéderait pas une période de six mois et que l'ONU allait rapidement en prendre le relais. Or, l’AMISOM est toujours déployée et le relais onusien se fait toujours attendre. L’objet de cette contribution vise à expliquer ces hésitations de l’ONU à intervenir en Somalie.

De l’IGASOM à l’AMISOM : quelle intervention en Somalie ?

L’AMISOM est mise sur pied dans un contexte qui préfigure ses difficultés initiales. Elle comble le vide laissé par d’autres acteurs. En effet, après leur débâcle en 1993 et pendant pratiquement une décennie, les politiciens américains se désintéressent de la Somalie. Les attentats contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es Salam en 1998 font craindre à la communauté internationale l’installation en Somalie d’une base arrière d’Al Qaïda. Les Etats-Unis aident alors financièrement la création d’une alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme réunissant les seigneurs de guerre (ARPCT). Mais cette approche échoue avec la prise de pouvoir à Mogadiscio en juin 2006 de l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI). Cette absence d’intervention extérieure pousse l’Ethiopie à intervenir en décembre 2006 et précipite ainsi la création de l’AMISOM.

Ken Menkhaus a parfaitement décrit la tragédie somalienne comme une inévitable conséquence d’une série de facteurs (2) "

La suite ICI

dimanche 6 novembre 2011

Somalie : aux origines contemporaines de la conflictualité régionale

Au nom du principe de légitime défense, le Kenya s’est engagé, fin octobre, en terres somaliennes. Une armée peu expérimentée, mais soutenue par des puissances extérieures, face à une guérilla aguerrie, dans un pays hostile qui a déjà éprouvé la première puissance mondiale.

Cinq après l’intervention de l’armée éthiopienne (une armée de qualité et d’expérience) contre les Tribunaux islamiques, les Kenyans prennent à leur tour directement part à la crise somalienne et rompent ainsi leur « neutralité ». Une neutralité déjà entamée en mars 2011, quand l'armée kenyane participa à des combats dans la zone frontalière (Jubbaland). Ce billet, se propose de revenir sur les relations de la Somalie avec ses voisins après les indépendances. Une analyse courte (non un travail de recherche) sur la position des pays de la Corne de l’Afrique, au moment des indépendances, face au défi de l’irrédentisme somali.

Au moment des indépendances l’enjeu pour les pays voisins de la Somalie était de conserver un certain équilibre régional. Au lendemain de la seconde guerre mondiale Éthiopie se réapproprie l’Ogaden (1948) et le Hawd (1955). Mais la réunification de la Somalie italienne et de la Somalie britannique (1) en 1960 réveille le nationalisme pansomali. Les revendications unificatrices des trois autres régions habitées par les Somalis (dans la région éthiopienne de l’Ogaden, Djibouti et le nord-est du Kenya) se multiplient. En 1961, le Parlement somali déclare les régions peuplées de Somalis terra irredenta. Si les incidents sont de faible intensité au départ, ils s’amplifient jusqu’aux rébellions de 1963-1964 en Ogaden, la guerre de Shifta au Nord du Kenya entre 1963 et 1968 et la guerre de l’Ogaden en 1978 (billet de Stéphane Mantoux ICI).
Ces évènements expliquent (outre les raisons historiques et culturelles anciennes) pourquoi les pays frontaliers de la Somalie conservent une certaine méfiance envers les Somalis (2). Si les relations avec Djibouti sont restées relativement paisibles, il en fut autrement avec l’Ethiopie et le Kenya.

La politique étrangère de l’Ethiopie est particulièrement remarquable à cet égard.

Aux lendemains des indépendances, et profitant de son « statut » d’unique pays africain à ne pas avoir été colonisé (3), elle voit dans l’unité africaine un moyen de réaliser le dessein continental de l’empereur Haïlé-Sellassié mais surtout de protéger ses intérêts nationaux, ainsi que son intégrité territoriale, tout en affirmant son poids stratégique dans la région. En effet, la résolution finale de la Conférence des peuples africains de Tunis (du 25 au 30 janvier 1960) énonçait qu’«après avoir soigneusement passé en revue la situation dans le territoire de Somalie artificiellement divisé, la Conférence salue et appuie la lutte du peuple du territoire de Somalie pour l'indépendance et l'unité afin de créer une Grande Somalie (4) ». Un positionnement inacceptable pour l’Ethiopie. Elle entreprend alors d’étouffer les tendances qui faciliteraient ce type de velléités et, pour ce faire, prend la tête des partisans de l'unité africaine, jusqu’à obtenir en 1963 sa version de la Charte et l'adoption de la localisation du siège de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) à Addis Abeba.

De son côté, la Somalie était particulièrement réticente aux dispositions prises par l’OUA en 1963.

En effet, pour Abdullah Osman, son Président, « l’histoire a montré que l’obstacle majeur à l’Unité africaine provient de frontières politiques artificielles que les puissances colonialistes ont imposées dans des zones importantes du continent africain [la Somalie s’oppose à ceux pour qui] toute tentative d’adaptation des accords frontaliers actuels ne ferait qu’aggraver la situation et que, par conséquent, les choses ne devront pas changer. Nous ne partageons pas ce point de vue et pour plusieurs raisons (5) ». Tout en affirmant paradoxalement : « il ne doit exister aucun malentendu sur nos intentions. Le gouvernement somali n’a pas d’ambitions territoriales et n’a pas l’intention de revendiquer un agrandissement de son territoire. Mais, en même temps, nous ne pouvons pas attendre des habitants de la République qu’ils restent indifférents à l’appel de leurs frères. C’est pourquoi, le gouvernement somali doit demander instamment l’autodétermination pour les régions somalies qui sont adjacentes à la République Somalie. L’autodétermination est une pierre angulaire de la Charte des Nations Unies et nous devons nous y souscrire. Si les Somali de ces régions ont la possibilité d’exprimer librement leur volonté, le gouvernement de la République s’engage à respecter leur décision (6)». Le pays inscrit même dans sa première Constitution cet objectif de réunion des populations somalies en accordant automatiquement la citoyenneté aux Somalis vivants sur les territoires ne faisant pas encore partie de la République (7). En réponse le Premier ministre éthiopien, Aklilou Habte Wolde, dénonça en 1963 la « campagne d'agrandissement territorial (8)» de la Somalie.

Pour les Kenyans les revendications nationalistes somalies pouvaient être contenues.

Pourtant la province du Nord Est (9) peuplée de Somalis tenta de faire sécession, alors qu’un référendum favorable à cette sécession, et commandé par une commission chargée justement de redessiner les frontières, n’avait pas été pris en compte. Les Somalis du Kenya lancent en décembre 1963 une insurrection appelée shifta soutenues par le gouvernement somalien. Cette sécession fut contenue entre autres par l’instauration de lois d’exception et une assistance militaire des Britanniques.
Néanmoins l’histoire s’accélère. En 1969 un coup d’Etat en Somalie porte au pouvoir le nationaliste Siyaad Barre qui cristallise les revendications somalies autour du concept de « Grande Somalie (10) » . Ce concept devient un enjeu central et débouche sur une guerre en 1977, à l’issue de laquelle la Somalie sort battue face à l’Ethiopie en raison du fameux retournement d’alliance de l’Union soviétique.

Figure 1 : L’irrédentisme somali (la « Grande Somalie » et l’étoile à cinq branches du drapeau somalien représentant les régions peuplées de Somali)






Cette période des années 1970, en pleine Guerre froide, a été particulièrement tendue. Plus la discorde augmentait plus la course aux armements s’accélérait. A titre d’exemple, en Somalie les troupes passent de 4000 hommes en 1969 à 53 000 en 1977, en Ethiopie elles passent de 65 000 à 1976 à 250 000 en 1980. Les premières agitations diplomatiques, post-indépendances, dans la Corne de l’Afrique sont donc pour protéger l’intégrité territoriale des Etats des velléités unificatrices du peuple somali. Mais d’autres oppositions régionales instrumentaliseront la crise somalienne jusqu’à aujourd’hui.

Notes :
1 juillet 1960 : Acte d’Union de la Somalie italienne et du Somaliland britannique avec pour président Aden Abdulla Osman (un Hawiye).
2 La Somalie est peuplée majoritairement de Somali (plus de 85% de la population) et d’une minorité de non Somali comme les Bantous, descendant d’esclaves, ou des agriculteurs de la période pré-somali. Pour une synthèse sur ce point : Martin Hill, « No redress: Somalia’s forgotten minorities », Rapport, Minority Rights Group International, 2010, 40p.
3 Seule la partie Nord de l’Ethiopie, l’Erythrée, fût une colonie italienne mais l’expansion italienne est arrêtée lors de la bataille d’Adwa en 1896. Puis l’Italie fasciste n’occupera qu’une partie de l’Ethiopie entre mai 1936 et mai 1941.
4 Edmond Jouve, « L'Organisation de l'Unité Africaine », Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 31-32.
5 Actes de la Conférence d’Addis Abeba, p.117, publiés dans la Revue internationale de l’Union africaine et malgache, n°5 (spécial), 1963.
6 Ibid., Actes de la conférence d’Addis Abeba, p.117-118
7 Constitution du 1er juillet 1960, article 6, §4 : « La République somalienne œuvrera par des moyens légaux et pacifiques, pour l’union des territoires somalis et favorisera la solidarité des peuples africains et musulmans », cité pat Boutros Ghali Boutros, « Les conflits de frontières en Afrique », Paris, Techniques et Economiques, 1972, p.97
8 Discours du Premier ministre d'Ethiopie à la conférence d'Addis Abeba, mai 1963. Reproduit par B.Boutros Ghali, Op.Cit., p. 47-61.
9 Créée à partir de l’ancien « Nothern Frontier District » et réunissant les districts majoritairement somali : Garissa, Mandera, Wajir et une partie de Moyale.
10 Un projet britannique à l’origine, proposé par Ernest Bevin, le ministre travailliste des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, en 1946 pour réunir sous la tutelle de Londres tous les territoires habités par le peuple somali.